Retail et expérience client : Actus et bonnes pratiques

Comment les enseignes de mode traditionnelles s'adaptent-elles à la fast fashion et à la seconde main ?

Le prêt-à-porter traverse une période de profonde mutation. Les enseignes traditionnelles doivent désormais composer avec deux tendances, qui impactent les comportements d’achat des consommateurs.

D’un côté, la fast fashion inonde le marché de collections renouvelées à grande vitesse et proposées à des prix imbattables. En France, près d’un quart des consommateurs (24 %) achètent déjà auprès de marques comme Shein ou Temu (TF1 Info).

De l’autre côté, la seconde main séduit une part croissante de la population, portée par les préoccupations budgétaires, mais aussi par un intérêt pour des pratiques de consommation plus durables. En France, 42 % des consommateurs achètent ou revendent déjà des vêtements d’occasion, principalement via les plateformes en ligne. 

Prises en étau dans cette double dynamique, les enseignes traditionnelles se trouvent face à un dilemme stratégique : 

  • Comment répondre à la demande de renouvellement rapide et de petits prix, sans sacrifier leur identité et leur modèle économique ? 
  • Comment capter l’attrait de la seconde main, sans voir leurs clients migrer massivement vers Vinted ou d’autres plateformes spécialisées ?

Dans cet article, découvrez, exemples à l’appui, les pistes d’adaptation à explorer.

La fast fashion : des codes qui redéfinissent les attentes 

La croissance fulgurante d’acteurs de la fast fashion comme Shein ou Temu repose sur 3 piliers :

  • Le renouvellement ultra-rapide des collections
  • Une perception de prix imbattables
  • Un marketing très agressif, notamment à destination des jeunes générations

Là où une enseigne traditionnelle lançait deux grandes collections par an avec quelques nouveautés intermédiaires, la fast fashion alimente désormais ses rayons et ses sites toutes les deux à trois semaines, parfois même en flux continu. 

Résultat : le client s’habitue à trouver « toujours du neuf, toujours moins cher ».

Pour les acteurs historiques, ce rythme est difficile à suivre sans dégrader qualité et image. 

Pourtant, certaines enseignes savent s’inspirer de ces codes sans tomber dans la surenchère : on voit apparaître :

  • Des collections capsule : lignes d'articles, généralement composée de quelques pièces en série limitée, diffusée pendant un temps assez court, de quelques jours à quelques semaines) 
  • Des drops : technique qui consiste à commercialiser des produits exclusifs en petite quantité, presque sans avertissement préalable et dans des points de ventes sélectionnés.

Ces techniques créent un effet de nouveauté et d’exclusivité sans bouleverser complètement le cycle de production. Des enseignes comme Mango ou ont par exemple expérimenté ces formats pour maintenir l’attention de leurs clients.

L’enjeu pour les enseignes dites « traditionnelles » est double : proposer de la fraîcheur en continu, tout en conservant leur promesse de qualité et leur identité de marque. 

Dans ce contexte, l’écoute client joue un rôle clé.  Par exemple, elle permet de mesurer comment les consommateurs perçoivent ce rythme : trop lent par rapport aux pure players rapides ? trop agressif au regard de leurs attentes de durabilité ? 

La fast fashion : chiffres clés et faits saillants

  • Adoption massive : 24 % des Français achètent de l’ultra fast fashion (Shein, Temu) (TF1 Info)

  • Marché mondial en forte croissance : environ 150 milliards de dollars en 2024, +10 % par an (Fortune Business Insights)

  • Renouvellement ultra-rapide : collections renouvelées plusieurs fois par mois, stimulant les achats impulsifs

  • Impact environnemental : 8 % des émissions de CO₂ mondiales et 20 % de la consommation d’eau industrielle (Wikipedia)

  • Pression sur les enseignes traditionnelles : prix bas, vitesse et volume, mettant à mal le modèle classique.

L’essor de la seconde main : une attente forte des consommateurs 

La seconde main est sortie de sa niche pour devenir un véritable réflexe d’achat. Selon l’Ademe, la mode circulaire représente déjà 7% du marché textile en France, et sa croissance se poursuit. 

Portée par des plateformes comme Vinted (23 millions d’utilisateurs rien qu’en France), cette vague repose autant sur le besoin de faire des économies que sur la recherche de consommation responsable, en particulier chez les moins de 35 ans.

Face à cette dynamique, les enseignes traditionnelles ne peuvent se contenter d’ignorer le sujet au risque de voir une partie de leur base clients migrer vers les pure players de la seconde main. 

Plusieurs d’entre elles choisissent d’intégrer ce modèle dans leur propre parcours client :

  • Kiabi teste des corners de vêtements d’occasion en magasin, dès l’entrée dans le parcours physique.
  • Gémo mise sur une plateforme de revente entre particuliers, hébergée sous sa marque.
  • Chez les acteurs spécialisés, Bocage propose un service de reprise et même de location de chaussures.

Pour les enseignes traditionnelles, l’enjeu est de capitaliser sur l’engouement pour la seconde main afin d’en faire un outil de fidélisation et de fréquentation du magasin. Les consommateurs viennent déposer, racheter, parfois faire réparer, ce qui multiplie les occasions de contact avec la marque.

Encore une fois, mesurer le ressenti client est un facteur clé pour réussir : 

  • Comment ces services sont-ils perçus ? 
  • Les clients considèrent-ils que la reprise est équitable ? 
  • Trouvent-ils l’expérience aussi simple que sur Vinted ?

Ces insights permettent de calibrer l’offre et d’en faire un véritable levier de différenciation.

La seconde main : chiffres clés et faits saillants

  • Adoption croissante en France : 42 % des Français achètent ou revendent des vêtements d’occasion, principalement via Vinted (ADEME).

  • Vinted domine le marché : plus de 90 % des transactions de seconde main en ligne (ADEME).

  • Motivations des consommateurs : économies (70 %) et environnement (56 %) (Interior Daily).

  • Impact environnemental positif : en 2023, 679 kilotonnes de CO₂ évitées grâce à la seconde main (Vinted).

  • Croissance continue : le marché français de la seconde main dépasse 7 milliards d’euros en 2024, +7,4 % de croissance annuelle prévue jusqu’en 2030 (Connexion France).

Quels leviers d’adaptation pour les enseignes de prêt-à-porter traditionnelles ? 

Face à la montée en puissance de la fast fashion et de la seconde main, les enseignes traditionnelles disposent de plusieurs leviers pour rester compétitives. 

Réinventer l’expérience en magasin 

Les points de vente restent un atout majeur : ils permettent de créer une relation humaine et une expérience différenciante. 

Plusieurs enseignes explorent déjà cette voie :

  • Kiabi a développé des corners « seconde main » directement en magasin, où les clients peuvent acheter des articles d’occasion toutes marques. L’enseigne propose aussi un service de rachat en magasin : en contrepartie, les clients récupèrent des bons d’achat à utiliser dans l’enseigne
  • Gémo a lancé son initiative « Seconde vie by Gémo », avec des espaces de vente d’occasion et des collectes de vêtements et chaussures dans certains magasins.
  • Decathlon va encore plus loin avec une offre complète de produits de seconde main, de location, et de réparation directement en magasin. L’enseigne a massivement investi dans des ateliers de reconditionnement et des espaces dédiés à la reprise de matériel sportif. L’objectif est double : prolonger la durée de vie des équipements et transformer le magasin en plateforme de services circulaires. Ce modèle favorise la fidélité des clients et multiplie les points de contact autour de l’usage, au-delà de l’achat.

Avec ces services, les enseignes donnent une nouvelle raison aux clients de revenir en boutique et de percevoir la marque comme actrice de l’économie circulaire.

Capitaliser sur l’omnicanal 

Sur la seconde main, la bataille se joue aussi en ligne. Les clients attendent de retrouver la même facilité d’achat que sur les plateformes purement digitales.

  • Kiabi a lancé une plateforme et une application « Seconde main by Kiabi », qui connectent vente d’occasion, e-commerce et magasins physiques. La logique omnicanale permet au client de passer du digital au point de vente sans rupture.
  • Zalando a abandonné son application dédiée Zircle pour intégrer une catégorie « pre-owned » directement dans son site et son app et fluidifier l’expérience utilisateur. C’est signe que la seconde main n’est plus une pratique à part mais qu’elle devient partie intégrante de l’expérience client. 

Mettre en avant la durabilité et la transparence 

Pour les enseignes de mode, il est impossible de concurrencer la fast fashion sur son terrain. 

Lutter contre la fast fashion sur les prix est une impasse. Et, sur le renouvellement des articles, les enseignes traditionnelles ne peuvent pas non plus suivre le même rythme. Même sur le plan de la créativité, c’est compliqué tant les acteurs de la fast fashion sont rapides à s’emparer d’une ligne de vêtements à succès pour la copier.

Par conséquent, plusieurs enseignes choisissent de prendre le contrepied et de s’adresser à des segments de clientèle plus exigeants en termes de qualité et de durabilité.

Les enseignes peuvent valoriser :

  • l’origine des produits,
  • la qualité des matériaux,
  • la réparabilité,
  • la réduction de l’impact environnemental.

Des acteurs comme Zalando investissent dans des projets pour développer la circularité du secteur, par exemple la création de vêtements entièrement recyclables.

Piloter l’adaptation grâce à l’écoute client

Innover, tester et déployer de nouveaux services est une première étape. Mais encore faut-il savoir si ces initiatives rencontrent réellement les attentes des clients.

Les enseignes doivent suivre de près :

  • La perception du prix face à la fast fashion
  • Le ressenti sur le rythme de renouvellement des collections
  • La satisfaction vis-à-vis des services de reprise et de seconde main.

Ces indicateurs permettent de comparer l’efficacité des initiatives et d’identifier ce qui crée le plus de valeur pour les clients.

Entre la rapidité de la fast fashion et l’essor de la seconde main, les enseignes de prêt-à-porter traditionnelles pourraient se sentir fragilisées. 

Pourtant, elles disposent de plusieurs atouts :

  • Leur proximité avec les clients
  • La confiance liée à leur marque
  • La force de leur réseau physique

Les exemples de Kiabi, Gémo ou Zalando montrent qu’il est possible d’intégrer de nouvelles offres (seconde main, services de reprise, capsules de collections) tout en valorisant la durabilité.

L’une des clés réside dans la capacité à écouter les clients pour co-construire l’avenir de la mode avec eux.

Source image : Canva